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Il faut l’avouer : je n’y comprends rien.

jeudi 8 décembre 2011, par Grosse Fatigue

Mes enfants me le demandent. Mes étudiants m’en parlent. Mes amis aussi. A vrai dire, je fais semblant. J’explique le tableau. C’est une toile géante. Il y a beaucoup d’acteurs. Des méchants qui ne le savent pas. Des salauds qui en profitent. Des Grecs et des Allemands. Des types à Wall Street. C’est un immense polar débile. Il n’y a pas d’intrigue. Je fais semblant, je l’ai dit.

Qui est le type qui donne le triple A ? Aime-t-il la musique classique ? Est-il cocaïnomane comme dans les films avec Michael Douglas ? Sont-ils plusieurs ? Et sur quoi se base-t-il ? Je sors dans la rue. Je vais dans les galeries marchandes. Je me gare sur des parkings. Je dis aux gens d’éteindre leurs moteurs à l’arrêt. Je suis un dingue. Ils m’assènent leurs libertés personnelles et je leur réponds le coût du litre d’essence en francs. Faut dire qu’ils s’en foutent. Ils ont leur triple A quelque part. Dans le coffre. D’autres me demandent deux Euros. Dans la rue. Ils sont mal cotés. A partir de combien de gens sans emplois perd-on son triple A ? Et qu’est-ce que j’en sais ? La Chine a-t-elle un avenir ? Franchement, j’en doute. Et l’Inde ? Laissez-moi rire. Et mes enfants ?
Je fais de mon mieux.
Je les éduque en bourgeois parce que je ne suis pas chômeur. J’en ai un peu honte. Je voudrais qu’on soit discret. Ils sont heureux. C’est quoi la crise ? Est-ce qu’on est concerné ?
On est cerné. Difficile de ne pas faire attention aux autres. C’est quoi la crise précisément ?
En 1929, ça paraissait plus simple. Les photos de Dorothea Lange et le tour est joué. Et tout est dit.
Et là ?
Je ne sais pas.
C’est l’impuissance totale.
Un type à New York me regarde de haut. Si tout le monde vivait comme lui, dans le monde entier, nous aurions tous un triple A. Deux ou trois 4X4 chacun, plusieurs télévisions interconnectées, des centaines de chaînes satellites, et de l’argent placé quelque part. Si tout le monde était comme lui, la terre ressemblerait à la planète Mars. On serait tous morts.
T’es sûr papa ?
Sûr.
On ira au cinéma samedi ?
Peut-être.
Pourquoi ?
Parce qu’il faut bien travailler à l’école.
Oui mais pourquoi ?
Pour pouvoir émigrer aux Etats-Unis. (Je commence à les obliger à parler en anglais, on bouffe des hamburgers surgelés tous les week-ends). Je traduis.
Parce qu’en étant super bien élevés et éduqués et cultivés et forts en maths, vous pourrez travailler dans la finance.
Oui mais si on veut pas.
Vous mourrez avant d’avoir le droit de vieillir. Vous serez des pauvres.
On ira plus au ski ?
Non vous n’irez plus au ski.
Mais pourquoi ?
Parce qu’il n’y aura plus de neige.
T’es sûr ?
Oui. Sûr.
On fera autre chose.
C’est à vous de voir.
Du vélo en descente ?
Si l’on arrive à monter.
C’est donc ça la crise ?

Et là, je les regarde. Silence. J’avoue. (Ne faites jamais cela).

A vrai dire, je n’y comprends pas grand-chose.