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La fille qui voulait poser nue

jeudi 5 décembre 2013, par Grosse Fatigue

Moi, j’adore les filles nues, surtout en noir et blanc sur du papier baryté. Celles que je préfère, ce sont les filles imparfaites, celles qui n’osent pas y croire, celles qui se trouvent de vrais défauts pas assez de seins ou trop de fesse. Celles qui se disent pas photogéniques mais que l’on peut tenter d’un coup de baguette magique en leur expliquant avec la délicatesse des métaphores qu’aujourd’hui leur peau est jeune et belle mais que dans dix ans, comment paraîtra-t-elle ? (Le slogan pour un savon sur TF1 en 1978 ?). Alors là les voilà à réfléchir - c’est gagné - elles croient conserver ce qu’Alain Delon a perdu à jamais - Romy Schneider au bord de la piscine - c’est comme une promesse qu’on leur fait : rien de vulgaire, juste un grain de peau et des positions alambiquées pas d’inquiétude. Je leur montre mon site de photos et elles finissent par venir timides pour poser nues.

J’ai oublié d’écrire tout cela au passé.

Un ami voulait absolument faire poser une amie à lui. Il voulait un beau baryté de ce corps qui le troublait plus que la personnalité qui l’habitait car rien n’est certain de nos jours. D’habitude, il m’était nécessaire de dire comment aborder la proie, en lui précisant qu’aujourd’hui, sa peau est....

- "Arrête ton baratin ! Elle viendra.
- T’es sûr ?
- Oh que oui ! Elle a déjà posé dans tous les sens.
- Ah. C’est une pro ?
- Tiens, regarde son profil sur Facebook™... Elle a un book™ en ligne aussi.
- Ah."
Je reste dubitatif. Je compte déjà le coût de ses séances d’épilation totale et l’impression de poulet nourri au grain en barquette que va donner son pubis disparu genre Oradour sur Glane sans cérémonie. En plus, le blanc du poulet, c’est tout sec et filandreux.

- "Tu peux la photographier quand ?
- Elle a quel âge ?
- 24.
- Tu veux dire vingt-quatre ans ?
- Oui.
- Mais ça pourrait être ma fille !
- Ta fille a onze ans.
- Ah oui. T’as raison. Elle a combien de tatouages partout ?
- Comment t’as deviné ?
- J’ai fait une thèse en sociologie à la Sorbonne. Note bien que je déteste Maffesoli...
- Ah ben dis-donc, t’es fort ! Elle en a quatre ou cinq.
- Bon - je me mets à compter sur mes doigts - un dans le bas du dos, genre guerrier pacifique. Un dans le cou, le plus récent. Un sous le bras - pour emmerder ses parents - un au niveau de l’aine, genre papillon, et un dernier à l’épaule. Celui-là, c’est avant de s’en faire partout sur les bras.
- Ah ben dis-donc, t’es fort, comment t’as deviné ?
- J’ai fait une thèse en sociologie à la Sorbonne. Note bien que je déteste Maffesoli... (VERTU DU COPIER/COLLER)
- Tu peux la prendre quand ?
- Je peux pas.
- Comment ça tu peux pas ? Tu veux pas ?
- Non. Je peux pas. Normalement, je fais des photos de filles nues en argentique, avec de la pellicule. Souvent, j’oublie les pellicules dans le frigo et, au bout d’un certain temps, je les développe. Je les sèche. Je les découpe. Au bout d’un autre certain temps, avec les négatifs, je fais des planches-contact. Puis, au bout d’un temps certain, je tire une ou deux photos sur du papier plastique. Et si ça me plaît, et que je trouve le temps, et si j’ai encore du produit, je fais un tirage baryté. Ça me rend heureux pour trois ou quatre mois.
- Et là, tu, euh.... T’as pas de pellicules ?
- Si, Damien m’a filé son vieux stock de Tri-X. J’ai même de la Scala™, elle doit être foutue, mais elle est au frigo. Et puis j’ai la nouvelle TMax en 120, j’en ai pour plusieurs années.
- Ben alors ?
- Ben alors je peux pas prendre de photos de filles qui veulent qu’on les prenne. Moi, j’aime quand elles craquent et qu’elles acceptent. J’aime quand elles lâchent. J’aime quand elles ont joué le jeu, qu’elles ne sont sûres de rien, qu’elles ont confiance et qu’elles se laissent aller : ça fait de meilleures photos. Avec les autres, ça gâche de la pellicule. C’est un peu comme la pêche au chalutier : ça gâche le plaisir, faudrait interdire...
- C’est pas à cause des tatouages ? T’as une tatouée dans tes modèles, je le sais, je t’ai piqué des tirages !
- Elisa ? Pas pareille : elle est sublimistique, un mot qui n’existe pas encore.
- Et en numérique ?
- En quoi ? "