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Et surtout des putes !

lundi 11 novembre 2013, par Grosse Fatigue

Je ne suis pas bien sûr d’avoir compris l’intérêt de faire une pétition pour aller aux putes. De même que je ne comprends pas bien l’intérêt de pénaliser le client. Il me semble par ailleurs que le client lambda est assez différent de ces gens qui pétitionnent, du moins dans mon esprit tardif, quand, après avoir vu un film ou écouté un concert, je vois ces dames dans le brouillard du boulevard de la gare, égarées sous les enclumes de nos perspectives peu cavalières, entre béton et bitume comme disait Le Forestier. Dans ce cas-là, j’ai plutôt pitié, j’imagine leurs mères dans les villages du Ghana ou de la Gambie, à attendre l’argent d’un agriculteur ou d’un routier français, l’argent qui ne viendra pas ou s’émiettera parce que l’argent s’émiette, comme nos pensées sur le réseau internet.

Je n’ai vu dans cette étrange pétition aucun agriculteur, aucun routier, aucun ouvrier italien du BTP ni même un Moldave miraculé de la directive Bolkenstein, ceux qui touchent savez-vous donc un salaire français mais avec des cotisations sociales bulgares ou turques je confonds tout. En fait, il y en a sans doute, mais il est difficile de reconnaître la provenance du poisson quand on n’a pas de visuel. Je sais seulement que les gens importants, ceux qui passent à la télévision et gagnent donc énormément d’argent sont signalés en GRAS (là, c’était en majuscules), ce qui est donc le coeur du paradoxe car, quand on a de l’argent, il me semble tout-à-fait inutile d’aller aux putes. Même si les physiques de Zemmour ou de Beigbeder ne suffisent sans doute pas à faire reluire la première midinette débarquée Gare de Lyon, il est bien évident que la perspective fantasmatique de leurs porte-monnaie parvienne à en exciter plus d’une, et si je parle d’excitation - je veux dire : si je parle en anglais - c’est parce que c’est bien de cela dont il s’agit. Nos fameux lettrés ont d’abord envie d’en jouir, car la vie est trop courte pour séduire, le temps fuit, on n’a pas que ça à faire, et même sans doute : il est difficile ce jeu de la séduction tant l’argent qui n’a pas d’odeur a quand même tendance à obscurcir le jeu des sentiments, alors allons-y droit au but, payons. Et puis le sentiment, même ce petit sentiment du jeu du chat et de la souris, le sentiment qui nous reste quand on n’a plus la patience, l’espoir ou l’âge du grand sentiment, quand on est revenu de tout, ce petit jeu du chat et de la souris, même sans coucher, vaut bien toutes les pétitions.

J’en ai touché deux mots à Olga ma caissière Bulgare qui m’a dit que, si elle était moins lourde du cul, si les hommes étaient moins violents, si elle était moins vieille et moins morale, elle aurait bien fait la pute parce que faire caissière (Pour le nouveau lecteur, je précise qu’Olga est une vraie caissière de la vie réelle), faire caissière c’est pas une vie. Olga me dit que personne n’a fait de pétition pour libérer les caissières. Je l’ai regardée tristement puis j’ai tendu ma carte de fidélité Intermarché™ sans grande fierté car nos vies sont minuscules et très ennuyeuses quand on habite en province et que l’on n’a pas d’ami.

Boulevard de la gare, à l’heure où les enfants ont les yeux rouges des jeux vidéo, les Africaines se forcent à sourire pour qu’un paysan en manque vienne vider ce qui lui reste du lisier personnel de sa vie de porc, lui qui a oublié comme il était bon de prendre son temps, de taquiner la truite ou le vairon, de voir les abeilles dans les contrejours pluvieux du printemps, lui qui va crever d’un cancer du gland tant il est fréquent chez le paysan qui fait dans la culture intensive. Fallait cultiver bio.

C’est très mode à Paris.

PS : une pensée particulière à Dominique Strauss-Khan qui lui, au moins, n’a pas trouvé très malin de pétitionner pour la gratuité des soins....