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Faut-il inviter Kévin ?

mardi 3 septembre 2013, par Grosse Fatigue

C’est la question la plus lourde de sens dans ma vie d’aujourd’hui, à côté des cancers qui se propagent dans la population de mon âge.

Faut-il inviter Kévin ?

J’ai honte.

Kévin est le frère de Kloug. Et celui de Sheryl. On peut bien s’appeler Kevin sans accent dans un pays où les accents sont nombreux. On peut bien s’appeler Kloug au pays de Shrek™ si ça fait plaisir aux grands-parents. J’ai quant à moi connu une Sheryl délicate et soyeuse, toute en fellation garantie technique et conversation platitude. C’était à Paris l’été quatre-vingt sept me semble-t-il. Je n’ai pas de nouvelles depuis.

Mais Kévin a cinq ans. Kévin est innocent, porte un accent sur son "e", Kévin est mal parti d’avance, suffit de voir sa mère, suffit de voir son père, plus rarement, quand il est de sorti, je veux dire de sortie de prison. Kévin cogne déjà pour rigoler, c’est sa façon de parler un peu. La maîtresse me dit qu’en maternelle, ça se gère bien, les petits comme ça se fondent dans la masse, ça n’est pas grave. Nous, on préfère les autres, ceux qui ne jouent pas dans les westerns. C’est drôle comme l’Amérique nous souffle son vent mauvais jusque dans les prénoms, les accoutrements, le vocabulaire. Si je n’avais pas de relents de lutte des classes à force d’avoir lu Marx (Merci René Warck), si je n’avais pas certains souvenirs qui me font croire que j’ai longtemps été un Kévin pour pas mal d’autres familles bien que ma mère, au grand jamais, n’ait dit devant personne qu’elle allait me foutre son poing dans la gueule si je continuais à l’ouvrir devant tout le monde et même à la fête de fin d’année à l’école, si j’étais juste un fils à papa comme j’en connais maintenant, je ne me poserais pas la question : Faut-il inviter Kévin ?

Certains imaginent que la mixité sociale est un principe fondamental. Et mieux encore : la mixité sociale nous aide. Elle peut permettre à Kévin de se transformer en Paul ou en Nicolas par exemple, qui finira à Sciences-Po Paris (SIC) parce qu’une famille un peu cultivée aura eu de l’influence sur lui dès le plus jeune âge, la famille Fatigue™, nous-mêmes.

Les gens imaginent beaucoup à partir de souvenirs d’un autre âge (SIC), parce qu’il fût un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : oui, ce fut possible. Il y eu comme une parenthèse, à l’époque de la politesse, où je crois les gens se parlaient encore. Quand la petite de six ans a été invitée chez Cynthia, au bout du bout du faubourg dans une ruelle en terre, dans sa maison même pas terminée qui sent la pisse de chien, j’ai dû dire à sa mère de ne pas s’inquiéter. Cynthia bien que dérangée finira peut-être comme chanteuse sexy à Las Vegas ou écrivaine destroy, voire en Femen™, pour conjuguer exhibitionnisme et rien d’autre, tout est possible. Tout dépend de la (Virginie des) pente. La mère de Cynthia, fardée cirque Pinder™ en fut toute émue et me fit la bise tous les matins pendant une semaine, tout en me touchant la bite™ et me proposant d’en reprendre encore un peu. Je refusais poliment. La sexualité prolétarienne, je la reconnais à l’odeur.

Mais faut-il inviter Kévin à l’anniversaire de son copain mon fils ? Et mon fils va-t-il finir par comprendre que c’est bien beau de ne pas avoir de porcelaine ni de vaisselle en cristal, on n’a pas trop envie de voir sa mère ou sa tante obèse rappliquer chez nous avec l’oncle brutal trois heures de retard pour s’enquérir de l’apéro... Et un SPAM m’indique un cambriolage toutes les 53 secondes. Ils seraient capables de venir en repérage me dit dans ma tête la vieille bourgeoise UMP qui sommeille.

OUI J’AVOUE J’AI HONTE.

Mais l’apéro pas notre truc et la dernière fois que l’on a invité un Kévin™ ou son équivalent, il a fallu appeler les gendarmes pour qu’il arrête de taper avec les baguettes de batterie sur le piano à queue. Excusez-du peu. Ce fut un spectacle grandiose mais les difficultés engendrées par un tel événement dans une vie de couple, si elles ne furent pas insurmontables, durèrent quand même plusieurs mois.

Et puis je connais des Noirs qui votent Sarkozy et mettent leurs gamins dans le privé : pour éviter la contamination. C’est dérisoire mais ça me rassure.