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Du droit à l’image en bord de mer : guérison vaudou™

mardi 23 avril 2013, par Grosse Fatigue

Je prends des photos des enfants sur leur trottinettes. Il fait frais et la mer est bleue, ne pas se découvrir en avril, rester sur le fil. Je fais des filés au 1/60ème de seconde. La plupart des photos sont ratées, je vais trop vite ou trop lentement mais quelle importance : numérique = abondance. Dans le lot, il y aura forcément une photo, une seule. Une jeune fille élégante fait du skate-board tout en glissés, j’en profite pour la mettre en joue. Je fais cela souvent sur les places des villes, et je donne aux gamins les photos réussies en collectant leurs emails. Il n’y a jamais un merci ni rien du tout, tout est si gratuit aujourd’hui. Un autre gamin s’approche d’elle, ils ont dans les quinze ou seize ans. Elle s’approche de moi. "Vous m’avez prise en photo ?". Je suis un naïf. Je lui montre mon filé raté. Elle n’aime pas être prise en photo. Un type l’a déjà prise en photo et ça l’énerve. Elle veut que je détruise ma photo, qu’elle disparaisse. Elle est tenace et malpolie, avec cette malpolitesse assurée des enfants bourgeois. Elle prend même mon appareil dans les mains et vérifie. Il y a une seconde photo d’elle. Elle insiste : "Mais vous avez fait des photos de moi !". Son moi me semble démesuré. Le mien tout ratatiné. Je suis pris par surprise. Elle vérifie et tient mon reflex en mains. Rien d’autre. Elle disparaît.
La colère monte en moi, dans mon moi, très lentement. Je lui en veux autant que je m’en veux, que j’en veux à l’époque, au droit à l’image, à la suprématie de l’argent en général. Je conclue vite que l’argent y est pour quelque chose. Elle doit imaginer que les photos d’elle peuvent rapporter. Sûre de son droit à l’image, elle ne veut en aucun cas partager les bénéfices. On est loin du gratuit. J’aurais préféré lui donner mes deux photos ratées par email ou sur une clé USB. Mais maintenant, le lendemain même, j’aurais préféré les méthodes de mon père : une bonne paire de gifles, manière cinéphile Adjani.

Aujourd’hui, je me suis vengé. Car hier, il existait un problème de focale au sens technique du terme. J’ai utilisé un 35 mm, une focale que j’aime, parce que l’on se rapproche des gens. Aujourd’hui, la même fille sur le même skate, je l’ai prise de loin au 105 mm. Et de près avec un argentique moyen-format et un Iphone™. Elle n’a absolument rien vu. J’ai une bonne trentaine de clichés réussis. Elle est très forte en skate-board et j’admire. Mais le vieux singe a gagné la partie.

Petite : je t’emmerde. J’emmerde aussi ton frère, tes parents et tes grands-parents. Aujourd’hui, j’ai quinze ans et des souvenirs de frustrations vis-à-vis des petits bourgeois dans ton genre, à cause du ski où je n’allais pas, à cause des vacances d’été, à cause des vacances de Pâques, à cause de tant de choses. A cause de ta malpolitesse alors que j’étais généreux.

J’ai fait imprimer l’un des clichés, celui où l’attitude trahit le mieux l’arrogance de la petite bourgeoisie sûre d’elle, dès l’enfance. J’ai acheté des aiguilles à bouts ronds, et j’ai commencé à les piquer dans ses Ray-Ban™. Il y a dans le vaudou™ plusieurs avantages. J’en apprécie les rythmes ternaires, et il peut parfois guérir d’un manque d’élégance.

Je vais beaucoup mieux.