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Ratatiner Tarantino

dimanche 27 janvier 2013, par Grosse Fatigue

Je déteste Quentin Tarantino. Non pas tant le working-class hero du video store à la rewind le VHS, mais disons que je déteste la symbolique de tous ses films, à part, peut-être, Jacky Brown.

On m’a traîné voir le dernier opus, un western grandiloquent aussi bidon que les reconstitutions de l’Egypte antique par les Américains du même nom dans les années cinquante. Les Américains n’aiment pas l’histoire, ils sont amnésiques parce qu’ils imaginent aller de l’avant. Alors on se permet de faire du révisionnisme sur la Seconde Guerre, et l’on continue sur sa lancée à propos de l’esclavagisme. Tarte en Tino le fait très bien. Il n’a pas lu beaucoup de livres d’histoire à force de regarder des navets de Kung-Fu sur son magnétoscope en s’écoutant roter des bières. A ce titre, c’est un beauf qui aurait eu le courage de la création, comme il y en a plein aujourd’hui, et que la France en exporte avec bonheur dans sa pseudo french touch. Tarantino plaît à Télérama et aux Inrocks parce qu’aucun Beauf français ne s’est permis de pondre ce genre de grandiloquence : on lui en aurait immédiatement voulu. Pour travestir l’histoire au nom d’une forme esthétique de la liberté d’auteur, il faut être américain. Et Tarantino est le pire de l’Amérique : on l’aime.

Que les Américains soient incapables de comprendre le monde, qu’ils colonisent nos imaginaires en ré-écrivant l’histoire tout court et celle de nos besoins, c’est un fait. On peut lutter et en prendre conscience. Que Tarantino se tripote en esthétisant à outrance des scènes de tueries, c’est pitoyable. Ses bagatelles pour un massacre n’illustrent rien de plus qu’une éducation au jeu vidéo et quelques restes de la loi du Talion. Le scénario ne tient pas la route une seconde, il ne sert qu’à présenter au spectateur universel - du bobo au facho, chacun y trouve de quoi prendre son pied - des meurtres et des vengeances. Et puis surtout, il faut qu’à la fin, ça saute en très grand format, comme dans tous les navets américains bien connus de ceux qui, comme moi, ont vu "L’agence tous risques" en rentrant du collège, à l’époque où la télé n’avait que trois chaînes.

Le plus intéressant est sans doute la réaction du public, nombreux. Si Tarantino sait faire monter le stress dans la salle, c’est en fabriquant des personnages au marqueur noir épais, sans finesse. On est loin du Coppola du Parrain ou même du très violent Casino de Scorsese. Chaque personnage est un cliché énorme, débile et so predictable. Si Tarantino s’essayait à la nuance, il y perdrait en public mais gagnerait en crédibilité. Mais Tarantino ne sait pas faire. Il reprends les esthétiques passées, et y pond ses scènes gore pour marquer le pas, afin que l’on s’en souvienne. C’est une manière de train hanté, on y va pour avoir peur avec la bonne conscience d’avoir plus ou moins lutté un jour contre les Nazis sur une bande-son décalée (Du rap dans les champs de coton du Mississippi en 1858... Ou Bowie chantant à la mort d’Hitler, peu importe). Le rôle de la musique est de compenser le non-sens par un rappel des tubes du passé, rappel à la nostalgie récente et facile, démagogie idéale. Ajouter à la sauce des acteurs excellents à en faire trop, une image et du rythme, et vous y avez cru.

Il est interdit de détester Tarantino, parce que c’est une icône, un style, c’est un type unique. On le reconnaît entre mille. En cela, on croit qu’il est universel alors que c’est sa seule spécificité : faire sans cesse le même film à grosses ficelles, hémoglobine et démagogie.

Son prochain film devrait traiter de l’influence de la violence à l’écran sur les tarés flinguant à tout-va les gamins dans les maternelles américaines. Nos intellectuels médiatiques y verraient comme il se doit un second degré, un recul éveillant les consciences, parce que ce serait gros, trop gros, ENORME. Il n’y aurait de morale que celle de la NRA et l’on sortirait du cinéma rassuré de ne pas vivre là-bas.