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Madame prolo et le nul à chier

jeudi 29 novembre 2012, par Grosse Fatigue

J’observe les mamans prolos à l’entrée de l’école. C’est la mixité du quartier. Deux ou trois mondes se croisent. Je m’assois au milieu et je regarde. Tout va bien jusqu’à cinq ans. Les mamans prolos aiment leurs enfants. Elles les engueulent à coup de gros mots très naturels comme "fais pas le con", "tu fais chier", "tu vas voir ton père la raclée qui va te mettre", "allez magne-toi ou j’t’en colle une". Les enfants prolos me font pitié. Après, ils me feront peur.

Mon père prolo était très poli. Jamais jamais un gros mot. Ça ne se faisait pas. C’était indigne. C’était avant NRJ™ et la TNT. Avant les acronymes qui nous réduisent en cendre à cause du manque de vocabulaire.

Les mamans prolos aiment leurs enfants mais sans les mots. Les mots sont moins gros chez les autres. On reconnaît les mamans prolo de loin. Elles ont le même âge que les autres mais il y a sur leur visage comme une marque d’usure. Un truc qui cloche. Belle ou moche, il y a toujours ce truc qui cloche. Comme une sorte de violence marquée dans les traits, cadrée par les tatouages selon les cas. Les petites filles ont les oreilles percées très tôt. Les petits garçons portent des survêtements Adidas™ et rêvent d’être footballeurs et de boire de la bière. Les mamans prolos ne parlent qu’aux autres mamans prolos.

C’est la mixité sociale. C’est assez rare je crois.

La classe des fonctionnaires ne parle guère. L’administration est synonyme de discrétion. Les enfants sont bien peignés. On les dirait craintifs mais on n’en sait rien.

Et puis tous les autres. Une mosaïque.

Je suis au milieu de la cour de la maternelle en rêve et j’écoute Lou Reed. J’aime beaucoup Walk on the wild side. C’est un portrait.

J’observe fantomatique les petits à la récréation. Il y a un mois, ils ramassaient les marrons. Les filles dans un coin papotent. Les gars, ils courent, ils se bagarrent. Le mien m’a demandé de l’aide l’autre soir. Il veut une machine à détruire les filles qu’on connaît pas. Je ne sais pas d’où ça lui vient. C’est très étrange.

Dans la tête de tous les petits gamins, il y a Batman™ et Spiderman™. Que des choses qui n’existent pas.

Tout est tranquille.

A la sortie du soir.
Maman prolo engueule son gamin. Ça sent la baffe mais pas trop en public. Maman prolo est trop grosse. Ou franchement très maigre. Maman prolo en veut à tout le monde. Elle collerait des beignes mais elle reste pleine d’amour pour les petits. C’est étrange à regarder. Petit prolo dit à maman prolo "Putain c’était nul à chier l’école". Maman prolo le reprend : "T’es pas obligé de dire nul à chier, putain !".

Drôle de tentative. J’avais dit à une maman prolo, en emmenant son gamin à un match de basket, que les gros mots, ben, à part chez Céline, ça m’énervait un peu. Elle m’avait dit : "S’il est malpoli, faut l’engueuler !".

Hum.

En fait, les mamans prolos, je n’y comprends rien.

Je ne comprends rien à rien. Tout m’échappe.