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Mon triple A

mercredi 19 octobre 2011, par Grosse Fatigue

Bonne nouvelle : j’ai mon triple A. Ouf. Et pourquoi ?
Parce que des Américains estiment que je peux rembourser mes dettes pour en contracter d’autres afin de m’acheter un nouveau téléphone portable. Je crée des richesses. C’est tout ce qui compte.

C’est tout ce qui compte.

Je n’ai pas vraiment besoin d’un téléphone portable. Mon forfait est épuisé au milieu du mois, mais je n’ai pas d’amis à appeler. Et puis je trouve ça malpoli. Quand je croise des gens qui parlent haut et fort dans la rue alors qu’ils sont seuls, j’ai envie de leur en coller une et de sauter à pieds joints sur leur téléphone portable. Mais je ne peux pas faire ça. C’est tout ce qui compte.

Combien de temps vais-je conserver mon triple A ?

AAA.

Je ne sais pas. Il faut que je continue à faire semblant d’enseigner à des gens qui préfèrent envoyer des SMS pendant que je leur parle de la division du travail. Je ne peux pas les empêcher d’envoyer des SMS : il y a urgence. Je ne peux guère non plus les empêcher de se connecter wifi haut-débit à Facebook™ pendant les cours en amphi : on leur a dit d’acheter des ordinateurs portables, afin de garantir le triple A du pays où ils sont produits : je ne sais pas trop où. Ailleurs est plein de triple A. Il y a urgence.

Le triple A, c’est pour les gens pressés. Les condamnés à la lenteur, les pauvres, les chômeurs, les refuzniks, les écologistes, les autres en général n’auront plus jamais de triple A. Pour avoir un triple A, il faut être pressé. Comme un citron. La rentabilité, c’est d’aller vite. Ne compter ni sur les Grecs, ni sur les Espagnols. Ni sur la France d’ici quelques temps. Nous ne sommes pas assez pressés.

Le triple A obéit au principe de l’économie moderne, celle que l’on enseigne en première année d’économie moderne. L’économie étant une activité dorénavant artificielle, elle a pour principe de maximiser le profit. Tout ce qui ne maximise pas le profit est de l’ordre de la lenteur et ne mérite pas de triple A. Sans triple A, pas d’emprunt, sans emprunt, pas d’économie. On maximise le profit pour payer les retraites privées des salariés américains. Il faudrait donc se débarrasser d’eux pour pouvoir mettre la pédale douce.

Le retraité américain.
Ce vieux couple à Miami en baskets et hot-dog. Du triple A.